Le juif albinos (2000)

Extrait : Les Juifs sont-ils le Peuple élu ?

Si nous étions le Peuple élu, comme tant de Juifs se complaisent à le croire et à le faire accroire, et si Dieu nous avait réellement attribué cette charge, il en découlerait en toute logique que :
L’élection n’est pas un privilège, ni un état de supériorité.
L’élection est une charge et un devoir, parfois un fardeau.
L’élection nous oblige à une remise en question permanente de nous-mêmes pour continuer à la mériter.
L’élection nous impose la discrétion et l’humilité.
Voilà donc tout ce que nous devons faire… si nous admettons cet axiome de l’élection, ou plutôt ce que nous devrions faire si nous considérions cet axiome comme recevable.

Or, cet axiome n’est guère recevable.

Baruch Spinoza a fait de cette question un préalable essentiel au point que celui-ci lui valut certainement d’être en grande partie responsable de son excommunication par les rabbins d’Amsterdam.
Spinoza n’a jamais oublié qu’à quinze ans, il assista à la flagellation publique par les rabbins d’un autre philosophe juif de la communauté d’Amsterdam, Uriel da Costa.
Uriel da Costa avait été excommunié par les rabbins ; cependant, il sollicita d’eux son retour dans la communauté, moyennant l’acceptation de sa punition. Ne pouvant finalement supporter son humiliation, le malheureux se suicida le lendemain de son supplice.

Dans son « Traité théologico-politique », Spinoza précise :
« Pour ce qui est de l’entendement et de la vraie vertu, nulle nation ne peut être distinguée d’une autre, et ainsi pas une ne peut être élue de préférence à une autre. »
Partisan inconditionnel de la liberté, Spinoza ajoute que :
« La liberté est un droit dont personne, le voulût-il, ne peut se dessaisir. »
Quant aux Pharisiens, ou quant à tous ceux qui les imitent, ces orthodoxes obscurantistes qui n’ont de cesse d’être des inquisiteurs infatigables, mais fatigants, il dit d’eux :
« …Les Pharisiens proclament d’une seule bouche des traditions reçues de Dieu lui-même, et disent qu’ils observent seuls le verbe écrit et non écrit de Dieu.
Personne ne peut nier que tous les hérétiques sont sortis d’eux, mais qu’eux-mêmes sont restés constants quelques milliers d’années, sans aucun pouvoir les contraignant, mais seulement par l’efficacité de leur superstition.
Les miracles qu’ils racontent pourraient lasser mille bavards. »
Spinoza admet l’existence de Dieu, mais sa conception est beaucoup plus difficile à appréhender que celle plus judéo-chrétienne, plus populaire, d’un Dieu qui veillerait sur nous en permanence : le Bon Dieu ou Dieu le Père (le Fils et le Saint-Esprit ne me semblant pas indispensables en l’occurrence, la notion de Trinité demeurant à mes yeux assez absconse).
Pour Spinoza, comme pour d’autres, et par exemple pour un célèbre cabaliste du 18ème siècle, Moché Hayim Luzzatto, dont l’acronyme était « Ramhal » :
« Dieu existe parce qu’il ne peut en être autrement. »
Mais Spinoza affirme que Dieu est omnipotent et omniprésent, qu’il est dans tout et dans nous ; qu’il est l’essence et les attributs, et donc qu’en somme, nous faisons aussi partie de lui.
Il est à la fois le Bien et le Mal, et n’a pas le caractère anthropomorphique du Dieu de Ramhal ou d’autres religieux juifs à tendance kabbaliste.
Pour ces derniers, Dieu est aussi comme un père qui nous surveille ; il peut nous récompenser ou nous punir.

Evidemment, il vérifie en priorité si l’on observe ou non les… 613 commandements de la Thora !
« L’existence de Dieu est nécessaire, son absence est inconcevable »,
a écrit Ramhal dans son ouvrage « La voie de Dieu ».
Ramhal était un poète et un kabbaliste italien d’une érudition hors du commun. Il prépara activement l’arrivée du Messie.
Sans doute las de l’attendre, ou suite à une révélation, ou encore atteint d’une hypertrophie de l’ego, il développa le syndrome d’une crise de « messianite aiguë », laissant se propager l’idée que c’était lui qui était le… Messie !
Il partit pour Amsterdam ou il faillit subir le même sort que Spinoza, le « Herem », l’excommunication par les rabbins.
Enfin, à l’âge de trente six ans, Ramhal réalisa son rêve : s’établir en Palestine, la Terre Sainte. Il fut très heureux de s’installer définitivement à Tibériade.
Trois ans après, une épidémie emportait sa femme et son fils. Il partit se réfugier à Accre et mourut un an plus tard.
Fulgurante tragédie pour un… ex-futur Messie ! Mort à quarante ans, il aurait pu laisser sa place dans l’histoire, si un certain Jésus-Christ ne l’y avait précédé.

En raison de mon libre arbitre qui, comme chacun sait, nous permet de faire le bien ou le mal, et surtout de penser en hommes libres, je me permets d’établir l’axiome suivant :
« Il est clair, par conséquent, comme il est clair que Dieu existe parce qu’il ne peut pas en être autrement, que le seul peuple élu de la planète Terre est « Le Peuple Humain ».
Prétendre que tel ou tel autre peuple serait le peuple élu, le « petit chouchou » de Dieu, est un immense péché d’orgueil et une imposture

Il ne peut donc y avoir de peuple élu.